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Il pleurait depuis un temps aussi long qu’indéfini quand il entendit une petite voix qui semblait venir du plus profond de lui :
« Arrête de pleurer ! Tu vas la faire déborder.
— Ouiiiiiiiin !!! répondit Laurent.
— Pourquoi pleures-tu ? continua la Voix sans se démonter.
— Parce que tout le monde a disparu et que je suis seul.
— Bien, bien…, et comment t’appelles-tu mon petit?
— Roméo Capone.
— …
— Et je descends du célèbre Al Capone, insista le mythomane.
— …
— Y’a quelqu’un ? » cria l’affabulateur.
Eh non ! Il n’y avait personne ; la Voix s’était tue. Il se remit à pleurer comme un saule sous la pluie. Il resta longtemps assis sur son humide margelle, il s’endormit même un peu et, quand il se réveilla, la lune, œil unique de cyclope glacial, le contemplait d’un air peu engageant. Il eut soudain peur, et froid. Il quitta le parc et traîna son immense solitude jusqu’à chez lui ou il dîna de croustilles et de soda devant une télé idiote qui finit par l’endormir d’un mauvais sommeil plein de cauchemars. Le lendemain, il retourna s’asseoir sur le bord de la fontaine dans l’espoir d’entendre la petite Voix, car, bien qu’il sût que cette petite Voix venait du plus profond de lui et qu’elle pouvait donc se manifester n’importe où, il avait l’impression qu’elle aurait plus de facilité à se faire entendre près de la fontaine. Il attendit longtemps. Rien ! Il s’endormit, se réveilla. Rien que la lune qui le regardait de haut. Il avait peur, il voulait rentrer chez lui, mais… la Voix… Il l’appelait de toutes ses forces, de toute son âme, et soudain :
« Tu es encore là, toi ? »
Quelle joie ! Elle était revenue !
« Au fait, comment t’appelles-tu ? Je n’ai pas bien saisi l’autre fois.
— Je m’appelle Laurent Fernandez, balbutia Laurent.
— Profession du père ? demanda très froidement la Voix.
— Pol… médecin. (On avait frôlé la catastrophe !)
— Profession de la mère ?
— Prof de maths.
— Et pourquoi pleures-tu ?
— Je pleure parce que tout le monde a disparu et que je me sens bien seul.
— Et sais-tu pourquoi tout le monde a disparu ? Réfléchis bien.
— Je crois que c’est parce que je dis des mensonges, murmura le Pinocchio.
— Bingo !
— Et si je dis la vérité, les gens vont revenir ? pleurnicha le garçon.
— Ça, tu peux toujours essayer et tu verras bien… »
Il se leva d’un bond et partit dans les rues en hurlant : « Je m’appelle Laurent Fernandez, mon père est médecin et je suis un menteur ! »
C’est ainsi qu’il arriva chez lui toujours hurlant et plein d’espoir de retrouver ses parents. Il alla directement à la cuisine où sa mère devait préparer le repas ; personne ! Ses vociférations n’avaient servi à rien. Quand il avouait qu’il était un menteur, on ne le croyait pas, évidemment, puisqu’il mentait tout le temps ! Au désespoir, il prit dans le frigo un reste de couscous froid qu’il engloutit négligemment. Que faire ? Dans le doute, il avala de suite trois éclairs au café et une rasade de Coco Cala glacé qui lui fit mal aux dents.
1 < 2 > 3 FIN HEUREUSE FIN TRAGIQUE